D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours dessiné, sculpté, et pour tout dire... créé. J’ai eu la chance de voyager. Beaucoup. Dans le monde entier. Petit déjà. Cela m’a ouvert les yeux, aiguisé l’esprit, stimulé mon imaginaire. J’ai tout absorbé, sans filtre, c’est la force de l’enfance. Cela m’a nourri bien plus que les BN !  

A l’école, je peuplais mes cahiers de dessins. Les cours n’étaient jamais aussi bons que lorsqu’il fallait les illustrer… je me souviens encore des rayures Sieyès que je couvrais de croquis.  

Entre 10 et 15 ans, j’ai voulu apprendre les différentes techniques des arts graphiques, depuis le fusain jusqu’à l’huile en passant par l’encre de Chine.  

A 16 ans, je trouve mon véritable mode d’expression: la photographie. Je suis adolescent et le temps déjà s’accélère : je découvre et apprécie l’immédiateté de l’ "instantané". Créer en pressant le déclencheur d’abord d’un Leica IIIG, puis d’un Nikon F2, deux boitiers mythiques que mon père me transmet. Comme le scupteur met à jour les formes préexistantes dans la pierre, je révèle la beauté cachée dans le banal. J’estampille et fige, dans le décor que je dévisage, un rectangle de vie d’ ‘’ici et maintenant".  

Je pense à la chanson de Gainsbourg : la beauté cachée des laids. C’est elle que j’accouche, que j’extirpe du quotidien. Par le jeu du cadrage, des formes, des couleurs, je dévoile ce que le passant ignore : qu’en toute chose, il y a du beau, du bon. Au-delà de la forme, c’est l’essence des êtres que je gratte. Je soulève le rideau de l’apparence, souvent trompeuse, pour accoucher ma vérité.  

D’un voyage en Égypte, gamin, je rapporte le principe de l’épure, inspiré par le minimalisme de l’architecture pharaonique. Colossale, brute, essentielle. Bien plus tard, de New York au Grand Erg Oriental du Sahara, je traque l’émotion. Je m’attelle à la débusquer là où il semble n’y avoir que rideaux de verre, cailloux, poussière. Ainsi naît le trouble de celui qui regarde mes photographies qui flirtent avec la peinture, le collage, l’abstraction. Mais dans lesquelles l’humain n’est jamais très loin…  

Peut être est-il utile de préciser qu’aucune de mes photos, en particulier dans les « réflexions urbaines », n’est le résultat d’un compositing, assemblage ou double exposition. Ces images sont saisies telles que, brutes, dans la nature des villes.  

Mes influences? Warhol et ses couleurs, la rigueur et le rythme de Lichtenstein, les compressions de César. Et Klimt, aussi, dont j’aime l’abstraction descriptive et le temps qu’il nous impose, aux antipodes du coup d’œil jeté à la va vite… Le temps de voir pour comprendre que l’humain est là, dans ses oeuvres, caché et fondu dans les volutes du tableau. Faire du sensible, de l’émouvant, de l'esthétique à partir de la réalité banale et quotidienne. Oui, rendre hommage à la nature et à l’humanité qui ne demandent rien d’autre que d’être embrassées, de voir leurs noces célébrées, leur dialogue loué… C’est cela que je vous donne à voir.